écrit au camp de Dülmen (Westpalie) en septembre 1917.
Né à Mattaincourt (Vosges) en 1878. Il effectue son service au 15eB.C.P. à Remiremont. Lors de la mobilisation, il est affecté, à la gare de
Mirecourt, comme garde-voie.
En septembre 1914, il rejoint le dépôt de Givry du 2eB.C.P. pour être ensuite envoyé le 7 mars 1915 au 42eBataillon de Chasseurs à Pied qui cantonne à Hermaville, deux kilomètres d’Aubigny-en-Artois.
Le 9 mai 1915, à 4 heures du matin, au cours de l’attaque sur Carency, il est grièvement
blessé. Laissé sur le champ de bataille, il ne doit la vie qu’à un artilleur
qui le ramène le soir sur son dos. Ayant reçu les premiers soins, il est
transféré par train sanitaire à l’hôpital de Bernay (Eure) et y passe 3 mois. A
la fin de sa convalescence, il rejoint le dépôt de Troyes pour une visite de
contrôle à l’hôpital militaire des Jacobins et y subit une nouvelle
opération. Des traitements par massage et électrothérapie viennent en
complément, puis la pose de prothèses dentaires. La commission de réforme le
déclare apte à retourner au front.
Équipé de neuf, il est envoyé comme renfort au 41eBataillon de Chasseurs à Pied, en plein hiver de 1917, dans le secteur de
Dannemarie en Alsace.
« Dès mon retour de permission, le 6
janvier 1917, j’embarquais en gare de Troyes, à 8 heures du matin, avec
cinquante hommes pour ne partir qu’à 4 heures du soir. Nous prenions la
direction de Chaumont, Langres, Dijon et Gray où nous fîmes un séjour de 36 heures
pour ne toucher que des habits chauds : un cache-nez, passe-montagne, moufles,
tricot, chaussettes et une couverture que l’on ne pouvait ni loger ni porter.
Nous reprenions un train pour
Belfort, puis la direction de Dannemarie. Nous sommes descendus à la station
avant, la ligne étant coupée par l’artillerie allemande qui avait fait sauter
le joli viaduc de Dannemarie. C’était un dimanche à 8 heures du matin, il y
avait une bonne couche de neige, le soleil brillait bien, mais il faisait grand
froid. C’était le
commencement du long et dur hiver
de 1917. On gagnait à pied la compagnie de dépôt où l’accueil ne fut pas trop
bon, vu que l’on ne devait pas y passer. On mangea les vivres de réserve.
Le lendemain, au matin, nous
partions rejoindre le bataillon qui était aux tranchées. Ce n’est pas sans
peine que j’y suis arrivé, heureusement que des camarades ont eu pitié de mes jambes
et m’ont porté mon sac. Je n’aurais jamais pu les suivre, pas plus au dépôt de
Troyes qu’au front. Je souffrais toujours de mes blessures et la marche me
fatiguait. Tout cela ne
m’exemptait pas d’être au front.
Je suis allé plusieurs fois à la visite, et l’on me donnait deux à trois jours
de repos. Heureusement que mes officiers et sous-officiers m’épargnaient bien des
corvées. Nous trouvâmes le Commandant du 41èmebataillon à
Gildwiller, hameau à 1 kilomètre des premières lignes. C’est là, dans le bois
qui touche le hameau, que les
compagnies de réserve venaient à
petit repos pour cinq jours. On m’affecta à la première compagnie, où le
capitaine, beau et grand homme, avait Médaille militaire, Croix de guerre et Légion
d’honneur. Il était aux dires de tous les anciens, plus brave à la parade que
dans les tranchées. Il paraissait avoir gagné toutes ses décorations en
s’esquivant savamment et
adroitement des gros coups.
Quant au commandant soi-disant bon père de famille, très aimable avec ses
hommes, très patriote, il ne craignait pas de les mettre en ligne. Cela lui
valait des décorations et des galons, d’autant plus que de son poste de
commandement il ne risquait pas beaucoup. Il était des Vosges, il avait été
capitaine au 15ebataillon. Le secteur que nous occupions devant Thann a été tranquille les
quinze premiers jours. Il devint mauvais par suite des coups de main qui nous
avaient été ordonnés de faire avant que nous soyons au repos à l’arrière. Nous
étions là pour quarante-cinq jours, c’était long. Nous souffrions surtout du
froid. Je ne pris pas part aux deux derniers coups de main, de ce que je
n’étais pas des plus forts, et étant le plus vieux chasseur à pied. On me
demanda si je voulais remplacer un conducteur de la cuisine roulante, durant la
permission de ce dernier. Je quittais donc la tranchée pour aller à Retzwiller
où se tenait le train de combat. Je risquais moins pour ma vie. Ce travail n’a
pas été de tout repos pour moi, étant donné que je ne savais pas trop conduire
les chevaux, surtout la nuit et dans les mauvais chemins. C’était beaucoup
mieux que de participer à un coup de main. Pourtant, à l’un des trois auquel
j’ai participé, je l’ai échappé belle.J’ai eu de la chance de ne pas être
enterré dans notre abri, où les deux entrées ont été défoncées par les obus ;
des éclats pénétrèrent sans blesser aucun homme. Il n’en fut pas de même pour le
lieutenant qui était avec nous, il disait qu’il avait toujours de la chance, il
eut la tête emportée par un éclat d’obus. Il était devant sa cagna bien
tranquille, quand il reçut ce terrible coup, il n’a pas souffert, on n’a pas pu
retrouver sa tête. Combien hélas ai-je vu d’autres camarades tués dansdes
circonstances de telles sortes. Quel triste spectacle que la guerre ? Je
restais au train de combat jusqu’au mois de juin, sans retourner aux tranchées.
J’y ai fait quinze jours en plus pour remplacer un autre permissionnaire. Nous
avons quitté Retzwiller pour aller en réserve à Ballersdorf. Ce n’était pas du
repos, les hommes allaient travailler une bonne partie de la nuit faire des tranchées
en avant de la première ligne. Ils y ont laissé quelques hommes. J’étais
tranquille, je ne faisais que de soigner les trois chevaux. Au retour du
permissionnaire, ce fut mon tour pour sept jours. Je partais le 11 mars en
passant par Belfort, Épinal. J’arrivais le dimanche soir à 8 heures, ma petite
Marie était couchée. Ce fut une bonne surprise pour elle qui s’attendait vaguement
à me voir. Ces sept jours passèrent très vite. Je rejoignais Gray, gare
régulatrice pour savoir où je devais me rendre pour retrouver mon bataillon. Il
avait quitté l’Alsace pour aller au repos et à l’instruction au camp de
Villersexel. J’arrivais non sans peine dans la nuit noire, au petit village de
Calmoutier. Dans ce pays on ne trouvait rien, on allait un peu à l’exercice et
faire des manœuvres d’ensemble. A la première, nous avonsdû beaucoup marcher et
je restais en route. A la tombée de la nuit on me fit aller coucher au poste de
police, c’était le 43ebataillon qui cantonnait dans ce village. On devait venir me chercher en
voiture. Le lendemain, j’attendais la voiture et lasse de ne pas la voir, je me
décidais à aller voir Monsieur Romiaud, capitaine major de ce bataillon. Il
était souffrant des suites de ses blessures, il m’a bien reçu, mais il ne put
me parler longtemps vu que des médecins venaient le voir. Il me fit prévenir
toutefois qu’il ne m’oubliait pas, par téléphone une heure après il mefit
chercher par son ordonnance pour déjeuner avec lui. Il avait fait préparer un
bon petit déjeuner, et aussitôt après, la voiture vint me prendre. Je quittais
Monsieur Romiaud en le remerciant, d’autant plus qu’il m’avait rendu service et
qu’il m’avait donné une lettre pour mon capitaine. Quelques jours après, je
quittais le bataillon pour aller à la compagnie de dépôt ; on ne faisait pas
grand-chose. Plusieurs jours après on quitta le camp de Villersexel, pour
s’embarquer à Vesoul en passant par Dijon, Laroche, Sens, Paris, et débarquer à
Villers-Cotterêts à 11 heures du soir. On alla cantonner à 10 km de là pour
quelques jours. C’est là à Jaulzy,où quinze jours après j’étais évacué à l’hôpital
de Compiègne pour la gale. J’y restais vingt jours et j’en sortais avec une
permission de quinze jours ; ce n’était pas sans difficulté que j’obtins cette
permission. Je ne souffrais pas trop de cette maladie qui était très légère,
mais chose bizarre, c’est que ce n’était pas depuis hier qu’elle avait fait son
office. J’avais dû attraper cela en Alsace et je l’avais transmis à ma chère
Marie qui se faisait de la bile de ne pouvoir s’en débarrasser. Ce fut durant
le séjour de ma permission, après être allé chez le pharmacien qu’il nous donna
une pommade qui dès la première friction, nous permit de guérir. Je dis nous,
car j’étais sorti de l’hôpital sans être guéri, cette pommade fut efficace et
ce fut un bon soulagement. »
Comme il l’écrit dans son journal de guerre, c’est à Craonne (Plateau de
Californie) qu’il est fait prisonnier, le 22 juillet 1917, un beau dimanche à 4
heures du matin, avec les chasseurs de la 1èrecompagnie du 41eB.C.P. Légèrement blessé, il
séjourne dans différents hôpitaux de l’arrière front allemand. Il est embarqué
le 10 septembre par train en direction du camp de Dülmen pour ensuite être
transféré au camp de Friedrichsfeld (région houillère de la Ruhr). Après avoir
passé la visite médicale, il se retrouve au fond de la mine de charbon et ne quittera
plus son costume de mineur, jusqu’au 18 novembre 1918.
Mardi 31 décembre 1918, Le Havre, il débarque sur le sol de France.
Paul Bourguignon était titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de
guerre avec citation et de l’insigne des blessés militaires.
Source :
http://regards.grandeguerre.free.fr/pages/sources_archives/41e_BCP_Bourguignon.pdf
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire